pour y justifier la culture de maïs génétiquement modifiée ?
La chrysomèle du maïs est un coléoptère américain qui cause des ravages très importants aux cultures intensives, principalement de maïs, outre-atlantique. Plutôt que d'utiliser des méthodes naturelles pour enrayer la prolifération de cet insecte, les USA ont préféré, en plus de l'usage d'insecticides chimiques, développer des maïs génétiquement modifiés qui produisent eux-même des poisons contre ces chrysomèles.Paradoxalement, un tel maïs OGM, le MON 863, qui fait, par ailleurs, beaucoup parler de lui pour des raisons sanitaire, a été planté en France dès 1999... alors qu'il n'y avait pas de chrysomèles sur ce territoire. Le "remède" a donc précédé l'introduction des chrysomèles à partir des USA, introduction elle-même fort étrange. On est par conséquent en droit de se poser des questions.....
Rappel sur la Chrysomèle du maïs
Ce coléoptère appartient au genre Diabrotica, qui n'existe naturellement qu'en Amérique et qui comporte 338 espèces connues, dont 7 sont des "ravageurs" de cultures. L'espèce qui nous intéresse ici est nommée Diabrotica virgifera.
Contrairement aux larves de la plupart des autres Chrysomèles, celles de diabrotica restent en sous-sol, se nourissant des racines des plantes qu'elles parasitent, ce qui, évidemment n'est pas bon pour les dites plantes. Les larves de Diabrotica virgifera s'attaquent principalement aux racines du maïs et, à un moindre degré, de blé, alors que les adultes sont moins spécifiques.
Comme pour la plupart des parasites des cultures, l'expansion de diabrotica virgiféra a été favorisée par les techniques agricoles productivistes, qui altèrent profondément le fonctionnement des réseaux naturels d'interactions. Les moyens de lutte contre cet insecte (qui coûte tout de même aux USA la bagatelle d'un milliard de dollars ! ) sont de deux types : rotation des cultures d'une part, biotechnologie de l'autre (insecticides et OGM).
Il est clair que quand on pratique la monoculture sur de très grandes surfaces, on crée des conditions idéales pour l'émergence de nouvelles formes parasitaires adaptées, qui prolifèrent ensuite sans frein. A oublier les règles essentielles du fonctionnement des systèmes naturels, organisés en réseau d'organismes variés en interaction, on ne peut que générer des problèmes, combattus à l'aide de solutions qui génèrent des problèmes, combattus à l'aide de...et ainsi de suite à l'infini.
l'essentiel de la lutte, aux USA, reste néanmoins l'usage d'insecticide, enfouis dans le sol au moment des semis, pour tuer les larves, ou pulvérisés par moyens aériens pour tuer les adultes. Quant à la "solution" OGM, elle mérite un petit chapitre particulier :
Maïs génétiquement modifié tuant Diabrotica virgifera
le principe général des OGM, est d'introduire dans le génome d'un organisme une série de séquences génétiques ("gènes") qui permettent ensuite à cet organisme et à sa descendance d'exprimer le ou les caractères souhaités par le manipulateur.
Bien entendu, ce faisant, comme on agit sur un milieu complexe et très mal connu, on peut obtenir des effets non souhaités, mais, comme le dirait notre confrère Kipling, ceci est une autre histoire... pour ce qui concerne les plantes génétiquement modifiées ( PGM ou PSGM) utilisées en agriculture, il s'agit pour l'immense majorité des cas de deux types de modifications :
- expression d'une tolérance à un herbicide total ( en pratique : glyphosate ou glufosinate) ce qui permet d'arroser le champ cultivé avec de l'herbicide, qui ne laisse vivant que la plante cultivée ;
- expression, dans les cellules de la plante, d'un insecticide visant à tuer l'insecte qui viendrait manger cette plante.
Bien entendu, on peut combiner les deux types dans une même plante et on ne s'en prive pas, ce qui, au passage, permet au consommateur d'avaler et de l'herbicide et ses dérivés métabloliques dont la plante est gorgée, et l'insecticide contenu dans cette même plante.
Pour ce qui concerne le maïs GM insecticide contre la Chrysomèle, il s'est tout d'abord agi du MON 8632 de la firme américaine Monsanto, suivi d'autres, depuis, qui produit dans ses cellules une toxine Bt, dite CRY3Bb1, la séquence génétique introduite dans le maïs pour cette toxine venant d'une bactérie. la toxine produite par le MON 863 étant active sur Diabrotica virgifera, l'insecte meurt lorsqu'il s'attaque à la plante ainsi modifiée (jusqu'à ce que des résistants apparaissent et ainsi de suite).
Ce maïs a été homologué par le Commission Européenne, après un vote pourtant majoritaire négatif des ministres de l'environnement européens, mais cette homologation a fait l'objet d'une certaine agitation, car les autorités françaises et européennes ont tout fait pour masquer des résultats très défavorables ( nombreuses anomalies biologiques) obtenus en nourissant des rats avec cet OGM.
Interrogations
Mais pourquoi donc vouloir, en Europe Unie, faire homologuer un maïs résistant à un parasite strictement américain ? Citons le collectif 1000 Printemps sans OGM qui écrivait, sous le titre "parasite parachuté, OGM justifié" : "Exceptionnelle médiatisation, à la mi-juillet 2002, de l'homologation d'un maïs "anti-Chrysomèle". Jusque-là, l'homologation d'un OGM n'avait jamais été porté à la connaisance du grand public...Publicité d'autant plus étonnante que la Chrysomèle (parasite du maïs) était alors inconnue en France. Incroyable ! quelques semaines plus tard, le 19 août 2002, des Chrysomèles adultes sont repérées pour la première fois en France, autour des aéroports de Roissy et d'Orly. De nombreux médias soupçonnent qu'elles soient arrivées par avion (le remède avant la maladie ?).
En fait, à cette date, il s'agissait d'une homologation pour la commercialisation en U.E du maïs MON 863, par Monsanto. Mais, comme le souligne Gilles-Eric Séralini, expert pour l'Etat Français et l'U.E : " Monsanto a commencé à faire ses essais en France en 1999, alors qu'il n'y avait pas de Diabrotica. C'est surprenant, car, d'habitude, on teste des remèdes contre un prédateur déjà existant". Effectivement, on ne fait pas d'essais en plein champ pour une plante qu'on n'a pas l'intention de cultiver dans le pays où on fait l'essai !
Ces remarques et interrogations, reprises par d'autres, se trouvaient confortées par le fait que Diabrotica virgifera avait bel et bien débarqué en Serbie en 1992, pour atteindre l'Italie en 1998, la Suisse en 2000, la France en 2002 ( soit trois ans après les essais en pleins champs !), puis la Grande- Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas.
En dehors du foyer initial, qui s'est largement étendu, il s'agit plutôt, ailleurs, d'infestations assez ponctuelles. Néanmoins, on estimait, jusqu'il y a peu, qu'à partir d'une introduction à proximité de l'aéroport de Belgrade, le parasite s'était étendu, même si certains esprits pernicieux faisaient remarquer que les foyers apparaissaient systématiquement près des aéroports, alors qu'une extension par la toute ou le rail est bien plus probable.
Un phénomène très inquiétant
Mais, voilà que le 11 novembre 2005, la célèbre revue scientifique Science publie une étude intitulée "Introduction transatlantique multiples de Chrysomèle du maïs ". Comme l'indique le titre, Diabrotica ne s'est pas étendue en Europe à partir du foyer serbe initial, mais a fait l'objet de plusieurs introductions distinctes à partir d'Amérique du Nord !
S'il est vrai que, globalement, des espèces invasives s'implantent un peu partout dans le monde, les insectes sont, en général véhiculés par des plantes importées, la plupart du temps par des plantes ornementales. L'augmentation du nombre et de la rapidité des échanges entre les différentes parties du monde entraînent une augmentation des introductions de nouvelles espèces invasives et ce phénomène est très inquiétant.
D'un autre côté, et suite notamment à l'introduction catastrophique en Europe du Phylloxera de la vigne en 1860 et du Doryphore en 1922, des mesures importantes de désinsectisation, quarantaine et surveillance ont été mis en place, ne cessant de s'améliorer. Dans ce contexte, on peut penser qu'après tout, ce qui nous arrive avec Diabrotica virgifera n'a rien que de très banal. Pourtant, si les tous petits pucerons et cochenilles semblent plus facilement réussir leur débarquement (ils représentent 64% des espèces exogènes), c'est plus difficile pour notre Chrysomèle, qui mesure tout de même plus d'un demi-centimètre et ne passe pas si facilement inaperçue.
Il faut, pour que l'introduction se fasse avec succès, soit importer de la terre avec des oeufs et les remettre ensuite dans des conditions favorables, soit, plutôt introduire des femelles fécondées, à la bonne période, pas trop loin d'un champ de maïs et que ces bestioles échappent aux insecticides, aux conditions de soute, aux quarantaines et aux contrôles. Bref, ce n'est tout de même pas si simple.
Accident ou Bioterrorisme ?
Mais le mieux est de comparer avec ce qui est à peu près comparable et dont on dispose, à savoir : le nombre de coléoptères venant d'Amérique du Nord (il y en a là-bas plusieurs milliers d'espèces) qui ont pu s'établir en France métropolitaine ( nous n'avons pas les données pour l'Europe entière). En se référant à une liste d'insectes ravageurs phytophages introduit de 1950 à 1997, on retrouve UN coléoptère, Reesa vespulae, introduit avec des graines. Une autre revue, précédemment citée, répertoriant les introductions en France d'insectes ravageurs ( tous genres et origines confondus) entre 2000 et 2005 ne signale qu'UN SEUL cas :notre Chrysomèle du maïs.
Voilà qui nous donne une idée de l'ordre de grandeur de ce qu'il se passe, sachant que de 1992 à 2004, au moins TROIS, probablement quatre implantations de diabrotica virgifera on eu lieu avec succès en Europe, voire plus, car tous les échantillons n'ont pas encore été analysés. En plus, le maïs n'est pas vraiment importé par avion.
Les auteurs des articles de la revue Science en question concluent du reste, avec toute la prudence qui convient : "notre étude soulève aussi des questions concernant les changements (tels l'adaptation des insectes ou les modifications des mesures de contrôle ou des pratiques de transport) qui ont permis une brutable et récente explosion des introductions transatlantiques des chrysomèles du maïs".
Alors, introduction accidentelle, très improbable, mais non totalement impossible, ou "bioterrorisme", selon les termes d'Antonio Fichetti ? A qui profite le crime ? Certes, on a bien vu la réponse, donnée aussi sur le site pro-OGM d'Internutrition, qui a écrit, après avoir relaté l'introduction en Suisse de la Chrysomèle : " Des plants de maïs génétiquement modifiés pourraient être une 'pièce de puzzle' dans une stratégie de défense globale. Elles ont la capacité de produire la protéine Bt dans leurs racines et de se protéger elles-mêmes contre le parasite". En précisant que ces plante OGM ne sont pas encore autorisées en Suisse...Quel dommage !
Mais attention : suspicion n'est pas preuve ! Le but de cet article n'est pas d'accuser mais de dresser une problèmatique et de bien montrer que quelque chose d'anormal se passe avec cette invasion de parasites d'outre-Atlantique. les enjeux sont tels, quelles que soient les modalités de ces introductions, qu'il est impératif que tout soit mis en oeuvre pour les éclaicir.
Dr. Frédéric Jacquemart
- Journal de la Fondation Franz Weber - n° 78
dormrf.free.fr/endofline/index.php/Chaos-mondial