Une "agence" prospecte actuellement les entreprises charentaises. Elle leur propose des intérimaires Roumains et Polonais "souples".
Ça se présente comme un plan facile. Comme une aubaine que les patrons futés ne devraient surtout pas louper. Un fax circule ces temps-ci dans les entreprises, avec un titre racoleur. Et toujours la même musique. "Vous recherchez souplesse, faibles coûts, qualité et légalité ? La solution pour vos recrutements: les travailleurs polonais et roumains."
Serge Hitier, l'un des dirigeants d’Unikalo, l’entreprise de peinture de la zone industrielle n°3, à L’Isle-d’Espagnac, a reçu ce qu’il a d’abord pris pour une sorte de spam version télécopie, "ces fax de pub qu’on ne lit même plus et qu’on transforme illico en brouillon." Sauf que plusieurs de ses clients sont tombés dessus et l’ont alerté. Il n’en croit pas ses yeux.
"Ce genre de pratique nous fait bondir. On sait tous très bien quelle réalité cela recouvre: c’est de l’exploitation." Au nom de la "simplification" absolue, l’expéditeur du mail, la prétendue agence "LM Intérim" basée quelque part en Pologne, vante "aucune formalité à accomplir: pas de bulletin de salaire, pas de déclaration Urssaf, pas de cotisation sociale. Les règlements se font sur la base d’une facture hebdomadaire."
Les heures sup’ pas facturées
Pour en savoir plus, il faut appeler un interlocuteur français sur un numéro polonais ou le contacter via une adresse courriel pas très pro.
Au téléphone, l’homme répond. Il assure disposer d’un réseau "de cinq à sept mille personnes, en Pologne et en Roumanie, prêtes à venir travailler en France." En "une semaine" à peine, "une équipe" peut débarquer dans l’hexagone. "On s’occupe de tout, dit-il, seul l’hébergement est à votre charge."
Le logement, et le salaire: le Smic. Pas versé directement aux employés, donc, mais à cette obscure agence qui ne diffuse aucune mention légale. Pour couronner le tout, l’entremetteur déploie l’argument choc: "Nous ne vous facturons pas les heures supplémentaires, nous les prenons à notre charge, mais essayez de ne pas dépasser les 170 heures mensuelles par salarié."
La subtilité est là: "Au final, les employés ne sont payés qu’au tarif minimum dans leur pays, alors qu’ils sont ici, en France" éclaire Serge Hitier. Le phénomène, qui flirte avec les limites de la légalité, est connu. De nombreuses "agences" fleurissent. Des entreprises comme Unikalo déclinent sans détour leur offre. D’autres, non.