Un très bon article sur le Soleil, dans un média mainstream, tiens donc...
Ne rêvons pas, dans cet article, le Soleil n'est pas responsable du "réchauffement climatique" (quoi que la porte est entrebaillée) malgré le fait que la chute de son activité coïncide avec une baisse des températures globales depuis la fin des années 90 (dernier maximum solaire : an 2000). Même lorsqu'il semble profondément endormi, le Soleil pique parfois d'homériques colères. Comme celle captée en décembre 2008 par les deux sondes jumelles Stereo, dont les images ont été rendues publiques, mercredi 15 avril, par la NASA. Les deux engins, en orbite autour de l'astre de jour - l'un précédant la Terre, l'autre la suivant - ont pu reconstituer, en trois dimensions, la forme de l'une de ces bouffées électromagnétiques que notre étoile expulse parfois, sans prévenir, dans le milieu interplanétaire.
Sans prévenir ? "Nous avons besoin de mieux connaître les détails de ces phénomènes afin - précisément - de pouvoir un jour les prévoir, dit Jean-Louis Bougeret, directeur du Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (Lesia) et responsable de l'un des instruments de la mission Stereo. Pour cela, il nous faut, entre autres, avoir accès à la forme, en 3D, de ces grandes structures magnétiques."
Ces immenses bouffées de particules (électrons, protons, particules alpha...), aussi appelées éjections de masse coronale (EMC), parviennent à la Terre en deux à quatre jours. En interagissant avec la haute atmosphère, elles y forment les belles iridescences des aurores polaires. Mais elles peuvent aussi provoquer des dégâts considérables sur l'électronique embarquée des satellites, sur les systèmes d'information ou même sur les réseaux électriques. En mars 1989, un effondrement du réseau électrique canadien, suivi d'une panne générale de près de dix heures, avait ainsi été provoqué par l'un de ces accès de mauvaise humeur solaire...
Il n'y a pas, actuellement, trop lieu de s'inquiéter. "Nous assistons en ce moment à un minimum profond de l'activité solaire", précise M. Bougeret. Certes, des EMC se produisent toujours, au rythme de quelques-unes par semaine, mais elles sont à la fois moins spectaculaires et moins nombreuses que lorsque le soleil est au plus fort de son activité.
Anticiper la survenue des EMC, ces sautes d'humeur ponctuelles, est compliqué. Mais pas moins, sans doute, que d'anticiper les variations de l'activité moyenne de notre étoile. Cette activité est intimement liée au nombre de taches solaires, qui font l'objet d'observations depuis le XVIIe siècle. Chacun de ces points sombres est entouré d'une zone très brillante, la facule : plus le nombre de taches est élevé, plus l'étoile est brillante et turbulente. Plus il est faible, plus l'étoile s'assagit.
En théorie, ces variations sont pourtant relativement prévisibles : elles suivent un cycle d'environ onze ans. Mais, de l'un à l'autre, les fluctuations peuvent être notables. Commencé en 1996, le dernier cycle (dit cycle 23, par convention) a culminé en 2001 et s'achève depuis plus d'un an, sur une interminable agonie. La NASA a annoncé, début avril, que l'année 2008 avait été exceptionnellement calme pour notre étoile. Celle-ci n'a exhibé aucune tache solaire pendant 266 des 366 jours de l'année (soit 73 %). Il faut remonter à 1913 pour trouver une année de Soleil plus calme (avec 311 jours sans taches).
"Le plus étonnant est qu'on ne voit toujours pas le cycle 24 commencer réellement, ajoute Andrei Zukhov, physicien au Solar Influences Data Analysis Center (SIDC) de Bruxelles. Cela veut dire que le cycle 23 dure depuis maintenant treize ans, alors que la durée moyenne d'un cycle est de 11,2 ans. Le plus court jamais observé a été de neuf ans et le plus long de quatorze ans. Si la situation n'est donc pas totalement exceptionnelle, elle est malgré tout très inhabituelle."
Quand l'activité solaire va-t-elle "redémarrer" ? Peut-être pas en 2009. Selon la NASA, notre étoile est demeurée vierge de toute tache pendant 78 des 90 premiers jours de l'année (soit 87 %) ! Une proportion encore supérieure à celle enregistrée sur l'ensemble de l'année 2008.
Les scientifiques ignorent à quel moment le Soleil va enfin sortir de sa torpeur. Quant à ce que sera le cycle 24, tout porte à croire aujourd'hui - sans en être certain - qu'il sera de faible amplitude. "Peut-être sera-t-il comparable à ce qu'on a pu observer autour de 1810 et 1900, avec des maximums d'activité très faibles, dit Gérard Thuillier, chercheur au Laboratoire atmosphère, milieux, observations spatiales (Latmos). Cela correspondrait au cycle de Gleissberg, dont la période est de 90 à 100 ans, mais la réalité de ce cycle est sujette à caution, car nous avons très peu de recul." En effet, le cycle solaire de onze années, bien connu, pourrait être modulé par des cycles de plus grande période - celui de Gleissberg et d'autres, de périodes plus longues encore, mais dont la réalité demeure spéculative.
Même à moyen terme, la prévision est hasardeuse. Ou impossible. "En 2007, les spécialistes mondiaux du Soleil ont été réunis sous l'égide de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) américaine afin de produire une prévision consensuelle du cycle 24, raconte Andrei Zukhov. Ceux qui fondaient leurs prévisions sur l'étude de précurseurs, comme le magnétisme solaire ou terrestre, prévoyaient un cycle 24 faible. Ceux qui utilisaient des modèles très sophistiqués simulant la dynamo solaire prévoyaient un cycle 24 fort. A défaut de consensus, la NOAA a fourni une double prévision : l'une haute, l'autre basse."
Depuis 2007, l'ensemble de la communauté scientifique a pu constater la lenteur au démarrage du cycle 24. Et, selon M. Zukhov, la plupart de ceux qui tablaient sur un cycle 24 puissant ont revu leur copie. Les scientifiques les plus hardis et les plus extrêmes vont même jusqu'à prévoir "un nouveau minimum de Maunder", ajoute le physicien, en référence à cette période, entre 1645 et 1715, durant laquelle aucune tache solaire ou presque n'avait pu être observée.
Cette accalmie possible pourrait-elle régler, momentanément au moins, le problème du réchauffement ? "Entre minimum et maximum de cycle, il y a une différence de 0,1 % de l'éclairement (énergie irradiée) du Soleil", précise Gérard Thuillier. Une variation somme toute minuscule. "Les études qui cherchent une corrélation entre l'activité solaire et le changement climatique récent ne distinguent plus aucun effet discernable depuis 1950 environ", dit Andrei Zukhov.
Si influence solaire il y a, elle n'est pas liée à la variation d'énergie reçue par la Terre, dit en substance M. Thuillier, mais à des effets plus subtils, peut-être provoqués par le changement de distribution des gammes de longueur d'ondes dans le rayonnement. "Lorsque l'éclairement augmente de 0,1 %, la proportion dans le spectre d'ultraviolets de longueur d'onde 200 nanomètres augmente de 8 %", explique le chercheur, responsable scientifique du satellite Picard. Celui-ci doit être lancé fin 2009. Il cherchera les causes profondes des variations d'activité de notre étoile. Qui, d'ici là, se sera peut-être réveillée.