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La polémique sur l'ampleur de la fuite de pétrole enfle aux Etats-Unis. BP, qui exploitait la plate-forme Deepwater Horizon, et l'Agence nationale pour l'océan et l'atmosphère (NOAA) estiment que le débit quotidien est d'environ 5 000 barils (800 000 litres). Mais la diffusion de vidéos sous-marines conduit certains chercheurs à avancer des chiffres beaucoup plus élevés. Plusieurs scientifiques estiment que la quantité de pétrole dégagée est déjà plus importante que lors de la marée noire de l'Exxon Valdez, en Alaska, en 1989, la pire catastrophe de ce type aux Etats-Unis, où l'équivalent de 250 000 barils avaient été répandus.
De son côté, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a haussé le ton. Vendredi dernier, il s'en est pris au géant britannique, ainsi qu'à Transocean, le propriétaire de l'équipement qui a explosé et coulé le 20 avril, et Halliburton, qui a réalisé le coffrage en ciment du puits de pétrole. S'attaquant avec une rare virulence à ces trois sociétés pétrolières, le président a expliqué "ne pas avoir apprécié ce qu'[il a] considéré être un spectacle ridicule", les audiences au Congrès, devant lequel les différents protagonistes se sont renvoyé la balle.
En réponse, il a souhaité la mise en place rapide d'une commission d'enquête indépendante chargée de se pencher sur la marée noire. Elle aura pour objectif d'étudier les pratiques de l'industrie pétrolière, le rôle du contrôle gouvernemental et la protection de l'environnement. Car c'est toute l'organisation de l'industrie pétrolière qui est aujourd'hui montrée du doigt.
"IL AURAIT DÛ Y AVOIR UN PLAN B, C ET D"
Beaucoup reprochent à BP de ne pas avoir été assez prévoyant. Le responsable de l'exploitation pétrolière en mer, Chris Oynes, est parti à la retraite lundi. L'homme a été critiqué pour son laxisme dans l'inspection de la plate-forme. Le quotidien de Louisiane, le Daily Comet, a révélé lundi qu'un "plan d'intervention" en cas de marée noire de 582 pages avait été élaboré par BP et approuvé par le Minerals Management Service (MMS), l'agence fédérale chargée de contrôler les plates-formes pétrolières.
Or, si le document indique comment utiliser les dissolvants ou communiquer aux médias, rien ne prévoit dans ces centaines de pages la rupture d'un puits en profondeur. Les solutions envisagées jusqu'à présent par BP – couvercle, tuyau de pompage – ne figurent pas dans ce fameux plan, ce qui renforce l'impression d'une totale improvisation. "Ce plan souffre d'un 'manque d'imagination', considère Nick Rahall, président du Comité de ressources naturelles, dans le Daily Comet. Il me semble qu'il aurait dû y avoir un plan B, C et D en place avant que l'accident ne survienne, un plan qui aurait pu éviter que tout soit réalisé à la hâte alors que des millions de litres de prétrole se déversent dans le Golfe."
Une enquête de l'agence Associated Press (AP) révèle que le MMS aurait manqué de nombreuses inspections. Au début, les représentants du MMS ont expliqué que 83 inspections avaient eu lieu depuis l'installation de la plate-forme dans le golfe en 2001. Puis, interrogés sur le fait qu'une visite par mois aurait dû être effectuée, ils ont révisé leur chiffre à 88. Or, même en se basant sur ce chiffre, 25 % des inspections n'auraient pas été assurées.
Selon AP, la plate-forme Deepwater aurait également été autorisée à fonctionner sans les documents de sécurité nécessaires et aurait déjà connu de nombreux problèmes. L'enquête souligne que le laxisme du MMS serait tel que depuis longtemps les compagnies instaureraient elles-mêmes leurs propres normes de sécurité. Comble de l'ironie, l'année dernière, le MMS aurait félicité Deepwater sur ses mesures de sécurité.
L'organisme est accusé d'avoir trop d'intérêts financiers dans les sociétés qu'il est censé surveiller. Pour cette raison, la Maison Blanche a annoncé la semaine dernière la scission de l'organisme. Une partie sera désormais chargée de la surveillance des installations pétrolières, l'autre de l'attribution des contrats d'exploration aux compagnies pétrolières, qui génèrent chaque année des milliards de dollars.