« Hier, l’information à Canal était un contre-pouvoir, aujourd’hui c’est l’ORTF dans sa version la plus ringarde », débraye écœuré un journaliste de la chaîne. Depuis les présidentielles, les règles de C+ en matière d’information ont bougrement changé : interdiction de mener certaines enquêtes, contrôle tout azimut des rédactions et grand nettoyage à sec des empêcheurs de tourner en rond. Bilan : « Ici, l’info à Canal on l’appelle « l’info Canada dry » : ça ressemble à du journalisme, ça a la couleur du journalisme, mais ce n’est plus du journalisme ! », résume un ancien de la SDJ (Société des journalistes). Ça balance à Canal, et ouvrez vos esgourdes, c’est pas fini !
Depuis les élections, des émissions traitant de politique ont reçu une drôle de consigne : touche pas à Sarko ! La direction a mis un rédacteur en chef au parfum en ces termes : « Vous ne vous attaquez pas à Sarkozy pendant au moins six mois, il faut attendre que l’état de grâce passe ». Bilan, une enquête sur « Les dessous de la libération des infirmières bulgares par Cécilia » est rembarrée. Refus catégorique du big boss sous prétexte que le sujet ferait « Trop TF1 »… Rebelote avec une autre enquête portant sur le groupe international de Vincent Bolloré, ami de 20 ans de Nicolas Sarkozy. Détail amusant, cette fois la direction pense que « le sujet n’intéresserait personne puisqu’il porte en partie sur l’étranger ».
On ne le saura hélas jamais, l’enquête est illico presto partie rejoindre sa petite sœur bulgare aux oubliettes. « Comme on ne peut plus traiter ni de politique intérieure, ni des grandes entreprises, notre champ d’investigation commence à sérieusement se réduire, et avec, notre liberté. », note, non sans cynisme, un journaliste.
Évincer des enquêtes sous prétextes marketing est très « tendance » en ce moment à Canal+. Tous les journalistes sont logés à la même enseigne, les plus contrariés étant ceux de Dimanche +.
Présentée par Laurence Ferrari, l’émission politique a remplacé Le vrai journal de Karl Zéro, la liberté d’expression en moins ! « À chaque fois qu’on a essayé d’enquêter sur des sujets trop sensibles, comme sur le patrimoine de Nicolas Sarkozy par exemple, on s’est heurté à une fin de non-recevoir. La direction avance toujours les mêmes arguments fallacieux “Ça n’intéresse personne”, “C’est trop anxiogène”, “Ça ne fera pas d’audience” », déplore ulcéré un membre de l’équipe. « Résultat, on s’autocensure. En réunion, on ne propose même plus de sujets qui dérangent, c’est l’endormissement général. On est juste autorisé à traiter des petites phrases politiciennes, on a le droit d’être faussement impertinent, mais pas dérangeant. Ici, le marketing a tué le journalisme ».
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