"Je dois aller à Rome. Avant cinquante ans, plus tôt peut-être, deux forces s’y opposeront et le pape se souviendra du destin du pape Luna et de ses trente-deux successeurs qui ne laissèrent aucune trace sur cette terre…"
Jean Raspail "L'anneau du pêcheur"
s trente-deux successeurs
Perdro de Luna
Il y a des périodes qui se télescopent, font des rouleaux dont l'écume rejoint inexorablement la source.
Pour bien comprendre la notre, il faut remonter près de 600 ans en arrière, lors du Grand Schisme d'Occident (1378-1420)
Ce fut une époque bien trouble, mais une certitude en ressort, sur les nombreux papes se succédant sur jusqu'à 3 trônes à la fois, Benoît XIII fut le seul Pape légitimement élu. Les deux conciles qui le déposèrent, Pise en 1409 et Constance en 1415 ne furent pas plus légitimes que les élections des autres Papes.
Cela peut poser des questions sur la lignée des Papes romains, depuis, mais ceci est une autre histoire.
L'Histoire de Benoît XIII, elle, est particulièrement touchante. Honni de tous, isolé, chassé de partout, il ne semble avoir qu'un ami fidèle, Dieu. Il mourra finalement en 1423, à l'âge de 99 ans, un an après un empoisonnement qui l'affaiblira beaucoup, entouré de ses derniers rares fidèles, dans la forteresse de Peniscola. Serait-il, sinon, devenu immortel?
Ceci est une autre histoire.
Pedro de Luna, dit Benoît XIII est le phare presque éteint qui éclaire le présent, et je ne puis renoncer à citer une nouvelle fois Jean Raspail, qui attribue les paroles suivantes à Jean Paul II, dans son roman :
"La simplicité de Benoît, son humilité, son dénuement, sa naïveté, sa solitude, sa fonction pontificale réduite à celle des premiers âges, quand l’apôtre Pierre, tout aussi seul, errait sur les routes de l’Empire sans grand espoir d’être écouté… Pierre était le commencement. Benoît ressemble à une fin qui aurait été anticipée. Tout cela a profondément ému le Saint-Père. A ses proches il a dit que viendrait un jour où l’enseignement de l’Eglise serait unanimement rejeté parce que devenu inapplicable au regard de la morale admise et de la religion du progrès. Il a dit que l’Eglise catholique serait déchirée, ses gros bataillons prêts à s’incliner. Il a dit que la conscience internationale contre laquelle il s’est déjà élevé sans succès enjoindrait au pape de se soumettre, lui-même ou l’un de ses proches successeurs, qu’un concile l’imposerait à la lumière d’une nouvelle lecture de l’Évangile, et qu’il ne resterait plus au pape qu’à quitter Rome et disparaître, comme Benoît. Pour traverser encore d’autres siècles, comme Benoît. L’un et l’autre sont des fugitifs."
Car la lignée de Benoît XIII n'a pas pris fin avec sa mort. Furent élus, historiquement reconnus,
- Bernard Garnier, dit Benoît XIV (1425-1430)
- Jean Carrier, dit Benoït XIV (bis?) (1430-1437)
- Pierre Tifane, dit Benoît XV (1437-1470)
- Jean Langlade, dit Benoit XVI (1470-1499)
Ensuite, la lignée continue certainement, dans cette époque très trouble d'un autre schisme, beaucoup plus fondémental, qu'est l'émergeance du protestantisme. Mais l'Histoire à oublié les Benoît.
Télescopage, je disais... Ce dernier Pape reconnu de la lignée des Benoît porte le même titre que le Pape romain actuel, Benoît XVI. Coïncidence?
Télescopage, également, le Concile de Constance, où le pouvoir temporel se mèle au Pouvoir divin, les maîtres du monde contraignant les cardinaux à supporter les prélats, nommés par les princes et rois d'Europe, pour élire le nouveau Pape. Fait unique et jamais renouvelé.
Le Concile de Constance où fut brulé vif Jan Hus, précurseur du Protestantisme...
Pour en revenir à nos Benoît, la lignée n'a eue aucune raison de disparaître en ces temps très troubles, bien au contraire. Il a donc existé, au fil du temps, une lignée de Papes inconnus, errants, pauvres, dissidents et sûrement bien plus proches de Dieu que ne le furent jamais les autres légataires terrestres.
Aucun faste, aucune tribune, comme si Dieu abandonnait la lumière et se dissimulait dans l'ombre de la nuit, sur les chemins déserts et les monts enneigés. L'histoire, elle, depuis, nous montre qu'effectivement, Dieu dans l'ombre, les humains s'en éloignirent de plus en plus.
Car ce XV ème siècle marque vraiment la fin d'une époque, celle de la reconquête de l'Occident après les invasions barbares, celle du dépouillement Roman, de la pureté, de la recherche humble de Dieu.
C'est le dédut des grandes conquêtes mondiales, de l'asservissement du monde à une doctrine non plus basée sur l'Amour de son prochain, mais sur la conversion, l'élimination systématique, l'Inquisition.
On peut noter que si l'aventure espagnole fut sanguinaire en Amérique du Sud, ce sont les protestants, avec l'Empire Anglo-Saxon qui perdure encore, qui envahirent le Monde.
Vous vous doutez bien que Benoît XIII résonne avec insistance dans mon coeur, dans mes tripes. La lignée des Benoît existe-t-elle encore? Jean Raspail la fait finir en 1994, avec l'ultime Benoît, seul, à bout de force, essayant de rejoindre Rome et ainsi boucler la boucle. Il sera, dans le roman, mort sur le trajet, mais discrêtement récupéré par la Vatican et traité comme un vrai Pape.
Il est certain que si la lignée a perdurée, le vingtième siècle lui aura porté un coup imparable, dont elle ne se sera relevée que très difficilement, agonisante.
C'est dans ce même siècle, écume rejoignant la base, que l'Eglise de Rome a reçu les plus grands coups aussi.
Le Pape actuel, Benoît lui aussi, aura-t-il le même destin que cette lignée fantôme, perdue dans l'espace sidéral, à droite de Dieu? Plusieurs prophéties parlent d'une fuite du Pape devant la venue de l'Antéchrist. D'un pape soit disant assassiné mais qui se cachera...
C'est troublant.
Car nous avons, depuis le XV ème siècle, la montée d'une nouvelle religion, insidieuse, qui se propage tel un virus dans toutes obédiences chrétiennes, qu'elles soient catholiques ou protestantes. Personne ne prétendra que le faste et la richesse étaient absentes avant cette époque, mais les détracteurs, à l'image de Saint François, étaient reconnus et respectés. après le XV siècle, cette question fut classée. Il faut de l'or, il faut envahir, exploiter, contraindre et brûler, torturer ou tout simplement éliminer tous ceux qui s'y opposent.
Nous entrons progressivement dans un nouvel évangile qui n'a pas de texte, pas de véritable Dieu, mais des icônes nombreuses et variées, l'Evangile de l'Argent. L'histoire l'a reconnu comme siècles des Lumières, en hommage, sûrement, au doux scintillement de l'or. Mais dans de nombreuses contrées, pour une majorité d'humains vivant sur cette planète, ce fut une époque très obscure, violente, sauvage, barbare.
Et comme l'écume vient toujours rejoindre la source pas très loin du sable, et ce blog est une plage, David ( un grand merci ) a porté à ma connaissance cette page très enrichissante.
Une synthèse des écrits sur le fait que le Capitalisme est une religion. Pourtant visiblement sans foi ni loi, il suffit de lire quelques passages pour se convaincre que cette analyse n'est pas dénuée de sens.
« Le christianisme, à l’époque de la Reforme, n’a pas favorisé l’avènement du capitalisme, il s’est transformé en capitalisme »
Ca, nous l'avons déjà vu.
« Premièrement, le capitalisme est une religion purement cultuelle, peut-être la plus extrêmement cultuelle qu’il y ait jamais eu. Rien en lui n’a de signification qui ne soit immédiatement en rapport avec le culte, il n’a ni dogme spécifique ni théologie. L’utilitarisme y gagne, de ce point de vue, sa coloration religieuse »
Personne, je pense, ne peut démontrer la profondeur du Capitalisme. Il n'en a pas. Tout est en surface, tout se joue ( c'est bien le mot ) dans l'immédiateté par rapport au dogme. Ce dogme, c'est "gagner".
-Donc, l’argent - or ou papier - la richesse, la marchandise, seraient quelques uns des divinités, ou idoles, de la religion capitaliste, et leur manipulation « pratique » dans la vie capitaliste courante des manifestations cultuelles, en dehors desquelles « rien n’a de la signification ».
Nous le voyons bien autour de nous. Toute existence se joue autour de l'argent. Soit par rapport à la position sociale ( Je fais partie des riches et je le montre, mentalement et physiquement ) soit j'ai besoin d'argent car je n'ai rien à manger, pas de toit, des trous dans mes vêtements.
Nous sommes bien là dans un dogme inévitable. Pas d'autres moyens de vivre, croyants ou pas, sans le Dieu Argent.
Le deuxième trait du capitalisme « est étroitement lié à cette concrétion du culte : la durée du culte est permanente. Le capitalisme est la célébration d’un culte sans trêve et sans merci. Il n’y a pas de « jours ordinaires », pas de jour qui ne soit jour de fête, dans le sens terrible du déploiement de la pompe sacrée, de l’extrême tension qui habite l’adorateur ». Il est probable que Benjamin se soit inspiré des analyses de l’Ethique protestante sur les règles méthodiques de comportement du calvinisme/capitalisme, le contrôle permanent sur la conduite de vie, qui s’exprime notamment dans « la valorisation religieuse du travail professionnel dans le monde - celui qui est exercé sans relâche, continûment et systématiquement ».
Si la Bible dit que le monde s'est fait en 6 jours, le Capitalisme, lui, créé le Monde à chaque seconde ( les tradders en sont les moines parfaits ). L'argent est omniscient, omnipotent, et celui qui n'en a pas est un sous-homme, un sauvage, un animal. Il peut crever, personne ne s'en offusquera. Bientôt, s'il est trop visible, faudra l'aider à disparaître. S'il clâme son besoin de pauvreté pour grandir spirituellement, il faudra l'éliminer.
Car nous en sommes vraiment là, aujourd'hui. La Crise actuelle, totalement artificielle, nous le démontre tous les jours. La société, qui n'a jamais été aussi riche dans toute l'Histoire, ne supporte plus ses indigents. Et les indigents sont ceux qui ne participent pas à la diffusion de la Sainte Religion, l'Argent.
Ce sont toujours les mêmes prêtres qui ramassent le magot, finalement, mais avec le développement d'une masse contraignante ( la classe dite moyenne, qui mérite bien sa dénomination ), ces prêtres ont élevé l'Argent en dogme incontournable.
Peu importe qu'il n'y ai pas d'argent suffisamment disponible pour tout le monde ( il l'est, mais ne DOIT pas l'être ), Dieu ne DOIT pas être à la portée de tous, sinon, il ne serait plus Dieu.
On fabrique ainsi tout un tas d'inquisiteurs, fastes, prétentieux, sûrs de leur accointances avec Dieu, puisqu'ils le côtoient. Tout un tas de convaincus prêts à allumer les bûchers.
Dieu, pour la première fois de l'Histoire humaine, peut se mettre dans la poche, dans un coffre. On peut se réveiller la nuit et l'admirer, lui parler, lui demander absolument tout ce que l'on veut.
Demande, et tu obtiendras, disait Jésus.
Mammon, lui, l'a concrétisé.
« Aucun homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l'un et aimera l'autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon. (Matthieu 6:24). »